Une leçon d’échecs

1990, vers février ou mars. La dernière phase d’une guerre qui grondait depuis 15 ans. Dans la salle de séjour, entre deux sifflements d’obus, un papa, une paire de ciseaux à la main, découpait un bout de carton en petits confettis qu’il coloriait ensuite en noir ou en rouge. Ainsi émergèrent un roi, un fou, un cavalier. Un pion. Deux pions. Une tour. Un jeu d’échecs, avec les moyens du bord.

Photo by Hassan Pasha

C’était la partie la plus facile de l’initiative. Encore fallait-il apprendre les règles d’un jeu millénaire à deux enfants de 7 ou 8 ans. Et éviter une guerre civile à l’échelle de l’appartement puisqu’une partie de gagnée est également une partie de perdue de l’autre côté de l’échiquier. Tout dépend du point de vue. Noirs ou Rouges. Eux ou Nous. Chrétiens ou Musulmans, Maronites ou Druzes, Chiites ou Sunnites. Mais aussi Forces Libanaises, OLP, Force de dissuasion Arabe, Amal, Hezbollah, Aounistes, Marada, Mourabitoun, IDF, et j’en passe. Une pagaille sans nom qui aura duré 15 ans et six mois, ou plutôt, qui aura couté 150 000 morts, 100 000 blessés, 250 000 émigrés et un bon petit million de déplacés si l’on utilisait une unité de mesure plus adaptée que les mois et les années à l’ampleur de cette catastrophe.

Et au milieu de ce maelström, un papa, un jeu d’échecs qui tient dans une boite d’allumettes et deux enfants qui apprennent tant bien que mal qu’un roque vaut mieux qu’un massacre de reines dans cette vaste partie d’échecs qu’est la vie.

En conclusion, à tous ceux qui glorifient la guerre, qui font sa promotion, qui en font une solution pour déloger les dictateurs et libérer les peuples opprimés, allez vous faire pendre ailleurs. Ne connait vraiment la guerre que celui ou celle qui l’a vécue, et croyez-moi, pour en avoir vécu une, ce n’est la solution à aucun problème.

A bon entendeur.

Let the board sound

Rabih