Ecrire pour faire une différence

5959 jours, passés comme un songe. Les premiers jours, on est tout ouïe, à l’affût de la moindre nouvelle, de la moindre rumeur. Puis le temps aidant, on réussit à s’affranchir aurais-je dis il y’a encore quelques mois, des actualités de ce lopin de terre coincé entre la rage de vivre au jour le jour et les jours sans lendemains. C’est vous dire au bout de 5959 jours à quel point l’actualité politique et économique du Liban m’était devenue étrangère à défaut d’étrange, non pas par rejet de mes origines mais par réflexe d’auto-préservation, car prendre sur soi les soucis du vieux pays alors que l’on surnage dans une France que l’on essaie de faire sienne pour survivre à la séparation, ferait ployer le plus serein, rendrait fou le plus sage.

Photo by Joe Kassis

C’est donc relativement immunisé des actualités libanaises que je me suis lancé il y’a quelques mois dans cette entreprise un peu folle qui consiste à écrire des articles sur tout et n’importe quoi en espérant que quelqu’un dans ce vaste monde y trouvât une idée intéressante. Contre toute attente, je me suis retrouvé un beau jour à écrire sur le vieux pays et je me suis surpris à suivre l’actualité de ce coin du monde de manière plus qu’assidue, notamment à travers les colonnes d’un quotidien francophone qui a l’amabilité de publier certains de mes articles dans sa rubrique Courrier.

Et je suis, ma foi, assez surpris de ne pas être surpris justement par ce que je lis: nos politiciens gèrent toujours le pays comme une épicerie, ou plutôt comme une ferme dont nous serions le bétail, et ce, malgré une différence de taille survenue au cours de ces 5959 jours, à savoir une épée de Damoclès plus que jamais suspendue au-dessus de leur trône, celle du citoyen qui n’a plus rien à perdre, et qui a donc tout à gagner d’une révolution, et Dieu sait le sang que les révolutions répandent avant de répandre les bienfaits qu’elles promettent aux peuples qui se soulèvent, quand elles sont assez magnanimes pour le faire.

Quant à moi, je persévère dans cette entreprise un peu folle d’écrire sur tout et n’importe quoi durant ces longues nuits d’hiver de ma patrie d’adoption, en sirotant un Ron du Venezuela, un trait de cognac ou un café agrémenté d’une écorce d’orange, en ayant l’outrecuidance de vouloir faire une différence dans ce monde, ou tout au moins de l’espérer, pour l’amour de mon pays d’origine, le Liban.

Let the board sound

Rabih

Against all odds

They are too strong, tool powerful for us mere mortals. They pledged allegiance to gods too vile, to masters too dark.

They have taken our jobs, our homes, our families, our dreams, and trashed them on the altar of Filth.

Photo by Jo Kassis

They have branded us with the shameful iron of the corrupt and we have thus become slaves to their corruption.

They have shattered us around the universe in a diaspora spanning 150 years and 5 continents.

They have driven us to wars we should not have fought, to endeavors we should have blushed with shame to even consider.

They?

You know them. Some are people indeed. But some, most, are daemons lurking in our souls, deep within. The worm is in the fruit sometimes. Many times. All the time.

All is not lost however, dear knights, for as long as you can find a spark of light in you to outgrow the darkness within, we stand a chance. A spark, that’s all it takes. Your loved ones. Childhood memories. Summers. A long-forgotten dream. Whatever brings a smile to your face, some tears to your eyes.

And we will prevail. We must prevail.

Against all odds.

Let the board sound

And don’t forget to vote

Rabih

Plaidoyer perdu d’avance

Votre honneur,

Je ne sais comment débuter cette plaidoirie, d’une part car je ne sais jamais comment en débuter une, d’autre part car le sujet que je souhaite plaider a été tellement rabâché que ça en est devenu le cliché le plus éculé de l’histoire moderne. Je tiens pourtant à rajouter sans prétention ma pierre à cet édifice auquel maints théoriciens de la chose publique et de la politique, tous bien plus éminents que moi, ont déjà contribué. Permettez-moi donc de m’adresser aux prévenus.

Prévenus. J’aborde ce sujet avec tellement de candeur, et je m’en rends compte, que je suis à deux doigts de lâcher ma plume par crainte du ridicule de ma position. Ou de la vôtre. Cela étant, c’est peut-être justement cette candeur qu’il vous faut, puisque vos interlocuteurs habituels et autres contradicteurs de circonstance sont tous sans exception des sherpas de la politique alambiquée et tordue de ce coin du monde. Expertise que je suis loin d’avoir, Dieu merci.

Allez. Candeur. Je me lance donc avec une première question plutôt candide vous en conviendrez:

Quand donc avez-vous fini par verser dans la prostitution?

Photo by Vadim Kaipov

Avant d’avoir vendu vos idéaux au plus offrant? Après les avoir perdus?

Avant de vous autoproclamer champions du socialisme et du progrès? Ou après, une fois que votre système féodal ait étouffé ce qui restait d’idéal chez vos ouailles?

A moins que ce ne soit avant d’avoir trahi la cause des déshérités? Après les avoir asservis à votre clientélisme, cette drogue dont dépendent aujourd’hui les enfants et petits-enfants de ceux qui n’avaient déjà rien? “Mais à celui qui n’a rien, cela même qu’il a lui sera ôté“. Je ne vous croyais pas si pratiquants, si pénétrés de la parole du Seigneur…

Quand donc avez-vous vendu votre vertu? Avant d’avoir renié le serment qui vous reliait à votre patrie? Après? Avant d’avoir vendu vos frères d’armes, ceux-là mêmes auprès de qui vous aviez juré de protéger le sol de votre partie, ceux-là mêmes dont votre serment vous rendait responsable? Ou après avoir baisé la main du maître de ce monde, le fauteuil du pouvoir?

Avant d’avoir pris les armes? Après avoir abandonné vos études, vos vocations? Au cours de vos luttes fratricides qui ont laissé sur le carreau tant de vos frères, de vos alliés? A partir de quel assassinat l’innocence de votre âme à-t’elle péri?

Au bout de combien de sesterces avez-vous réussi à changer d’allégeance? Combien d’expropriés, combien de pauvres hères conduits à la banqueroute aura-t-il fallu pour anesthésier votre conscience? Combien de fois avez-vous dû courber l’échine, combien de mains, de pieds avez-vous dû baiser pour toucher les piécettes qui vous sont aujourd’hui refusées ?

Quand donc avez-vous décidé d’oublier la piété de vos parents, les préceptes de votre prophète, le dieu de vos maîtres spirituels, celui que vous aviez juré de prier, de servir, pour vous tourner vers d’autres idoles, celles du pouvoir armé, celles de la corruption du pauvre peuple, celles des alliances opportunes et opportunistes?

N’êtes-vous pas revenus à la raison quand le destin vous a éprouvés dans votre chair? N’avez-vous pas ressenti l’urgence de vous racheter quand vos pères, vos frères ont été assassinés par une main sans honneur et sans nom? Quand vos fils ont péri sous les balles? Quand vous avez été bannis, quand vous avez connu la flétrissure de l’exil, de la fuite, la damnation de la prison, le poison de la calomnie? Quand la maladie vous a rongés?

Il fut un temps où vous aviez sans doute d’autres ambitions, d’autres valeurs que celles qui vous font tourner aujourd’hui. Vous étiez nés dans des familles humbles, dans des villages montagneux, des banlieues populaires. Rappelez-vous de cette époque. Puis les premières compromissions, avec vous-mêmes d’abord, petit coup de canif à vos idéaux d’alors, puis, de coup d’épée en coup de sabre, vous êtes devenus les apôtres sans vergogne de démons immémoriaux: la guerre, le pouvoir. La corruption.

Vous êtes trop puissants pour le commun des mortels, on ne peut plus vous atteindre. Vous avez le monopole des armes, du pouvoir, de l’argent. Et surtout la capacité, que dis-je, la malédiction d’accaparer les âmes des pauvres gens qui voient en vous la seule lueur d’espoir et qui sont nombreux à se damner pour consolider votre emprise sur ce qui reste de ce pays, de ce peuple. Vous servez des dieux trop vils, des maîtres trop sombres.

Vous pouvez toujours inverser le cours des choses et éviter de finir dans les poubelles de l’histoire. Faites-le pour la mémoire de vos pères. Faites-le pour laisser autre chose que des dettes infamantes, un héritage qui jette un peu moins l’opprobre sur votre nom. Et si cela ne vous parle pas, faites-le pour faire la Une des journaux. Pour vous refaire une virginité. Pour pouvoir vous regarder dans une glace sans vous cracher dessus, que sais-je! Mais faites-le vite car bientôt, il ne restera plus grand monde pour chanter vos louanges en ce bas monde. Et ne comptez pas trop sur l’au-delà pour vous couvrir de lauriers…

Je n’ai rien à rajouter à cette plaidoirie votre honneur.

Let the board sound

Rabih

Cet article est également publié dans les colonnes de L’Orient-Le Jour.

On revolution

Dear Revolutionary

Wherever you are, you would be glad to know that Revolution today is a word on everyone’s lips in a small country on the verge of oblivion in the middle east.

Photo by Joe Kassis

According to your fellow Lebanese revolutionaries, revolution is the only way forward, the last chance for their homeland. I can hear that. For many of those, “religion and religious affiliation are the mothers of all disasters happening to this country”. Not a very surprising point of view for a country where 18 sects representing a little north of 4 million people are trying to cohabit for better or worse, without too much bloodshed.

For many others, “we need to burn everything at the stake and rebuild the country from scratch”. 

So what’s the plan? How will you pull it off? With what would you rebuild it? With revolutionary ideals or whatever that is you had been daydreaming about in your long and boring calculus classes back when a US dollar was still worth 1507 Lebanese liras, and which you think you can put to action now that the country is ready for them? 

No my friend, you need resources to rebuild a country. Dollars that is.  And fresh. Don’t go burning these…

You also need people on your side and guess what, most people in Lebanon still define themselves by the religion or sect to which they are affiliated, and this reality cannot just be canceled by slogans like “religion is evil”. Besides, regardless of your own opinion, dismissing religious affiliation in the political arena and the people who hold on to it is a complete disregard to a majority of Lebanese who, like you and me, want the best for their kids, their families, their communities and yes, their country, believe it or not. They just have not read Marx yet, or whoever got you and me on the revolution track in the first place, and probably never will. Irreconcilable differences you could say, except divorce is not an option if you want to rebuild the country. 

I guess what I am trying to say is that building a country on the premise of religious affiliation is probably not a good idea but disposing of a country because it is built on such premises sounds a bit over the edge. Yes, some things must go, but some things are good enough to stay. And some just cannot go, because people are not ready to let them go, or because it would be too high a price to pay.

So how about finding common ground, a common project for the Lebanese and their country which transcends religion affiliation? I am sure that if we brainstorm for 15 minutes, we can come up with a couple of ideas worth starting with. They can be around Lebanese international influence through the expatriates network. Imagine what could lie behind such an idea with regards to the current sclerotic citizenship law, the expatriates voting rights and the Lebanese diplomacy in general. They can be around the environment and becoming an energy independent country. We have sun, we have water, we have brains. They can be around becoming an education and research regional hub once again. Or about becoming a health regional hub again. More than a regional hub actually, and why not. Any or all of these. Ideas which have nothing to do with pointing fingers and finding scapegoats. Stuff around which people can gather.

We need new blood to uphold these ideas of course, not the old guard currently in place and in this sense, I cannot agree more to a revolution. However,

Dear Revolutionary

One last thing, before the board sounds. I can hear frustration in you. I can hear it in me. I might even hear hate. And there is but a tiny step between frustration and hating your country and many of your fellow Lebanese which you hold responsible for the great collapse. It is easy to blame those you deem to be bigots or extremists or immoral vicious scum or whatever you want to call them when the real enemy is lurking behind. You know it, you’ve known it all your life. It transcends race, sex and religion, bigots, extremists and scum. 

Dear Revolutionary

Corruption is the opium of the people. Corruption is the enemy.

Fight corruption. 

Heal people.

Let the board sound

Rabih