Le Sens des Choses

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Je m’attache aux choses.

Depuis ma plus tendre enfance, je m’attache aux choses qui m’entourent. Les plus belles pour leur beauté, tout simplement, les plus humbles pour qu’une âme au moins s’y soit attachée, pour leur acheter encore le temps d’une vie humaine, la mienne, avant qu’elles ne sombrent dans l’oubli, car, dans ma logique d’enfant, si je ne m’y attachais pas, qui d’autre l’aurait fait?

J’avais assez bien compris que les choses et les objets n’existent que par l’attachement que l’on leur confère. Que l’univers n’existe qu’à travers nos sens. Un univers vide peut-il exister sans au moins une conscience qui en fasse l’expérience? Sans personne pour en rendre compte? Un objet oublié de tous au fond de l’océan existe-t-il encore? On peut très bien tomber dessus par hasard me diriez-vous, mais il n’en existera pas plus s’il retombe immédiatement dans l’oubli. Il suffit pourtant de le ramasser pour le faire exister de nouveau.

Ce que j’essaie peut-être de dire, c’est que leur sens est ce qui confère une existence aux choses. Et quel sens plus noble que celui de marquer un instant, une personne, un évènement d’une pierre blanche, de retenir l’essence d’un souvenir et d’en restituer l’odeur, la couleur, le goût, les émotions, avec la patine des années qui passent? Ce livre d’un autre âge? Ce doudou un peu défraichi? Pour certains, c’est un grand père parti trop tôt, car ils partent tous trop tôt, même à quatre-vingt-dix ans. Pour d’autres, un enfant qui n’en est plus un que dans leur mémoire, au soir de leur vie, quand les petits-enfants se marient déjà.

Les objets qui me rappellent des faits marquants, des amis, des parents, sont comme des marque-pages dans le livre de mes souvenirs. Ils me ramènent vers un monde maintenant révolu, des personnes parties depuis longtemps. Un pays au bord de l’oubli. Le temps se dissout dans la nuit, je m’y prélasse. Vous connaissez la recette, j’en parle assez souvent. Une nuit d’orage, pluie battante, pour la beauté des éléments déchainés, un petit luminaire dans la pénombre, un thé, ou mieux, un café avec une écorce d’orange dedans. Comfortably Numb en sourdine, ou Daily Battles. Ce soir c’est Plus Jamais d’Aleph.

Ça tombe bien, le temps est déchainé en cette nuit de juillet, le vent courbe les bambous dehors, la pluie noie le paysage dans une brume translucide. Je me replonge dans le Liban de la fin des années quatre-vingt-dix et du début des années deux-mille, et je pense à vous. Nous n’avons plus de nouvelles les uns des autres, le temps et la distance s’en seront assurés. Mais ils n’ont peut-être pas encore eu raison de nos amitiés.

Alors, rendez-vous cet été quelque part dans ce petit pays au bord de l’oubli?

Let the board sound

Rabih

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