2h13. Le sommeil ne vient pas. Je fais défiler les nouvelles. Une nouvelle frappe. De nouvelles victimes. Des déclarations quelconques, inutiles. Aucune issue en vue. J’essaie de me rendormir. En vain.
A 3000 kilomètres à l’est, le vieux pays s’enfonce dans une nuit pour le moins mouvementée. Les frappes sur la banlieue sud de la capitale ne surprennent plus que les malheureux qui en sont les cibles. Ceux que la foudre épargne aujourd’hui s’enferment un peu plus dans ce fatalisme que certains optimistes indécrottables appellent encore résilience. Non les amis, ce n’est plus de la résilience. Ce n’est même plus du réalisme.
A 3000 kilomètres à l’est, l’espoir, comme l’enfance, ne sont plus de ce monde. Les enfants tombent par dizaines et ne se relèvent plus. Leur innocence et leur joie de vivre importent peu face aux réalités, aux cibles, aux objectifs. “Qui sauve une vie sauve l’humanité entière”. Ouais.
A 3000 kilomètres à l’est, le pays repose sur la paume d’un démon. البلد على كف عفريت. Cette expression, tous les habitants du vieux pays la connaissent. Elle résume leurs appréhensions face à l’instabilité de ces 10452 kilomètres carrés. Elle témoigne du terrible pressentiment qui sous-tend leurs pensées. Cette attente de l’inéluctable est inscrite dans leurs gènes. Et, miracle de génétique ou fatalité, l’inéluctable est aujourd’hui réalité.
3h47. Le sommeil ne vient toujours pas. Je me tourne et me retourne sous les couvertures. Je reprends mon téléphone, mes écouteurs. A 3000 kilomètres à l’est, la musique n’apporte plus de baume aux cœurs meurtris. Ici non plus. J’écoute quand même ce que me propose un oracle électronique d’une oreille distraite. Brel…
Et quand vient le soir, pour qu’un ciel flamboie, le rouge et le noir ne s’épousent-ils pas?
A 3000 kilomètres à l’est, le soir est venu. Une pluie de rouge et de noir efface dans un dernier flamboiement ce qui reste de ce petit pays au bord de l’oubli. Noces de sang et de cendre, pourtant…
Il est parait-il des terres brulées donnant plus de blé qu’un meilleur avril…

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