
Une ligne jaune pastel se dessine à l’horizon. Rebelle, elle sépare l’azur d’un ciel de printemps du bleu grisâtre d’un océan que la lumière commence à déserter, accaparée qu’elle est par ce fil cosmique qui la déprive de ses nuances d’or, de roses et de braises.
La nuit tombe. La ligne rebelle se range. Elle finit par se draper du deuil sombre d’un soleil qui s’en est allé enflammer d’autres cieux plus chanceux, se débarrassant des atours qu’elle s’était appropriés, les braises s’étouffant sous les souffles bleus du soir, puis ceux noirs de la nuit.
Les nuages plus bas laissent entrevoir les petites lucioles qui s’allument petit à petit, autant de petites bulles sur la magie desquelles l’obscurité rebondit, impuissante.
Cette métamorphose aura pris moins de temps à s’imposer au paysage que ces lignes à êtres couchées dans ce carnet. A trente-mille pieds d’altitude, elle est saisissante. Elle me rappelle que le temps nous transforme plus vite que notre capacité à nous en rendre compte. Notre capacité, ou notre volonté, car non, je sens bien que je ne veux pas.
C’est bien à contrecœur que je me suis réveillé un beau jour d’avril avec un poids que je n’avais pas voulu ressentir jusqu’alors, celui des quarante-deux balais que j’avais accumulé sous le capot, et les quelques désagréments qui les accompagnent. Qui nous accompagnent vers notre destin.
Une lune de sang se lève à l’horizon, pauvre reflet du soleil parti, pâle compagnon de nuit de ce vol plus proche de l’atterrissage que de l’envol, comme les souvenirs, comme la nostalgie, compagnons des vies bien entamées, celles dont les années qui restent ne suffisent plus à revivre celles qui se sont envolées.
Oui je broie du noir ce soir à trente-mille pieds d’altitude, je broie du noir et je le couche en encre bleu-nuit sur ce carnet, à la lueur d’une lune de sang et de la loupiote au-dessus du 4A. Je suis quelque part dans le ciel entre Oslo et Paris, plus proche de Paris que d’Oslo, plus proche de la fin que du début, et j’attends l’atterrissage comme une fin qui me fera passer par le purgatoire d’un taxi parisien avant de me déverser dans mon paradis.
Rita, Laetitia, Aurélie, Edouard, vous me manquez tellement…
PNC, début descente.

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