L’Etoile

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Du fond de la nuit noire qui jette son ombre
Sur nos pauvres contrées tancées par le ressac
De crises et conflits dont la force et le nombre
Semblent de ce monde précipiter le sac

Une lueur lointaine, petite étincelle
Vacille sous les coups de vent de la tornade
Et dans l’obscurité telle une sérénade
Fait briller ses couleurs pour que l’ombre chancelle

Flamme qui brille quand la mer est démontée
Comme elle brilla dans les cieux pour les rois mages
Elle brille pour nous qui ployons sous l’orage
Illumine les cœurs de bonne volonté

Etoile dans le ciel qui annonce l’espoir
Etoile de lumière qui luit dans le noir
Etoile des bergers qui montre le chemin
Etoile de Noël brillant sur nos sapins

Joyeux Noël les amis

Let the board sound

Rabih

Regrets Cyniques, Souhaits Stoïques

Les dés étaient pipés

Photo by Jonathan Petersson on Unsplash

Monsieur,

C’est avec regret qu’il a été décidé de ne pas donner suite à votre candidature. Comme vous le soupçonnez sans doute, les jeux étaient faits d’avance. Les dés étaient pipés. Il fallait jouer le jeu de l’égalité des opportunités, de la transparence. Montrer patte-blanche dans ce monde où le bon sens d’il y’a quelques décennies n’a toujours pas trouvé repreneur. Pour cette occurrence en tout cas, c’était couru d’avance, ce ne sera pas vous. Un mal pour un bien si j’ose dire, puisque nous sommes finalement ravis d’avoir fait votre connaissance, votre profil est très intéressant, en d’autres circonstances, etcetera…, vous comprenez n’est-ce pas?

Et puis, vous n’êtes tellement pas de votre époque. Vous avez quelque chose d’un peu suranné, d’un charme certain cela va sans dire, ne me comprenez pas mal, mais peut-être un peu de trop pour ce poste. Vos “Je vous prie de m’excuser”, “Je vous remercie infiniment” par exemple. Très chics. Mais pas assez directs vous en conviendrez. Vos subjonctifs et autres conditionnels passés, tellement plus mélodieux que ce passé composé que nous rabâchent les autres candidats, mais tellement moins pratique, n’est-ce pas?

Mais à vrai dire, tenez-vous bien, l’ennui de cette époque nous a poussés à vous inviter en entretien tout de même, pour la fraîcheur de votre allure d’un autre âge, en contraste total avec ce poste que vous cibliez. On aurait dit Caton le Jeune dans ses primes années, projetant d’affranchir Rome du tyran d’alors, quand le prochain franchirait le Rubicon. Enfin, je m’égare dans mes errements, je vous prie de m’en excuser. Vous et moi ne sommes pas si dissemblables finalement. Amateurs de formules surannées et d’histoire ancienne, nous sommes des anachronismes ambulants. Vous, un stoïque, et moi, un cynique. Vous souffrez vos pertes avec une grandeur d’âme que j’aurais bien admirée si je n’étais pas ce que je suis, mais dont je me moque gentiment à vrai dire, en bon cynique.

Vous aurez eu l’avantage de m’amuser, à défaut, peut-être, de m’émouvoir. Cela étant, le candidat était pressenti depuis des semaines. Il fallait juste jouer la comédie de la responsabilité sociétale pour rester à la hauteur du score qui est celui de notre entreprise. Il nous permet de facturer plus cher nos prestations, à peu de frais: un candidat malheureux de temps en temps, et quelques mesures pour enfumer les adeptes un peu benêts de ces nouveaux cultes qui occultent l’essentiel.

Ne soyez pas déçus, ce poste n’est vraiment pas pour vous. Je ne vous vois pas prodiguer du conseil à quinze louis d’or de l’heure aux matelots déboussolés d’un navire qui a perdu l’usage de son gouvernail. Je vous livre ma pensée secrète, vous en ferez ce que vous jugerez utile d’en faire: Je suis ravi de la conclusion de cette tentative de recrutement écrite à l’avance. Vous me faites l’effet d’un énergumène sans concessions, donc qui ne risque pas de verser dans les forfaitures de notre époque. Heureusement pour vous dirais-je, la forfaiture envers soi-même est une condition nécessaire et peut-être même suffisante pour ce poste de conseil en haute voltige. Elle vous manque cruellement, et je vous en félicite à titre personnel.

Sur ce, je vous prierai d’agréer mes salutations distinguées, comme le veut l’usage épistolaire, et vous demanderais de bien vouloir être un tant soit peu indulgent envers une candidature bien précise, celle d’un vieux cynique qui en aura eu assez de jouer au conseiller ministériel pour le compte de gens qui ont perdu le sens de la formule. Un jour, pas trop loin, elle atterrira sur votre bureau, celui que vous cherchez encore aujourd’hui, mais que vous ne manquerez pas de trouver sous peu, de cela j’en suis certain. Voyez-vous, j’ai eu à recruter assez de faquins au cours de ma carrière pour savoir reconnaitre le talent quand je le croise, quand bien même lui demanderais-je de tirer sa révérence au final. J’ose espérer qu’il ne m’en tiendra pas rigueur.

Cordialement.

Let the board sound

Rabih

Le Presque Rebelle

Le Fils Prodigue

Photo by Rene Böhmer on Unsplash

Je vous laisse ce soir, je vous laisse et m’en vais
Et dans l’ombre délaisse les rires d’hier
Je vous laisse ce soir, oui je me le devais
Tel une ombre qui fut un rayon de lumière

N’étant plus du sérail, je renie mes frères
Et nos vies d’antan, les maisons de nos pères
Le carcan de ces rites et dogmes figés
Et ces maîtres dont nous fumes les obligés

La tempête ou l’ouragan, je ne les crains pas
Ni le vent ni les vagues rigueurs de l’hiver
Et les éclairs, soleils qui éclairent mes pas
De ma liberté seront témoins dans ces vers

Mais soudain une larme s’invite à la fête
Du rebelle qui ne croit plus qu’en sa folie
Et mon âme s’insurge, trépigne et s’entête
A remettre en question la raison abolie

Peut-être un soleil crevant un nuage ou bien
Un oiseau qui chantait pour ameuter les siens
Rappelèrent à mon coeur ce que ma raison
Se refusait de voir depuis maintes saisons

Les miens attablés et chantant autour de l’âtre
La soupe d’oignons chaude et ses croutons de pain
Au contraste des contrées où je me fais pâtre
Une sourde émotion vit le jour en mon sein

“Ces nouvelles idoles que tu te choisis
Tu les renieras et suivras les prochaines
Qui te renieront et, te couvrant de chaînes
Te transformeront en une fresque moisie”

Ainsi le rebelle en devenir que je fus
En silence sortit sa raison de l’ornière
Etourdi de sagesse, ma foi, je me tus
Et d’ombre redevint un rayon de lumière

Let the board sound

Rabih

Dear Norway

Photo by Marian Rotea on Unsplash

Dear Norway

You probably do not know me yet. No reason so far. To you, I am probably no more than a mere French guy who’s been around a few times for business. To me, you could have been no more than a cold and expensive piece of land on too high a latitude, even for a French guy. It only gets weirder when you realize I am also Lebanese, and that I grew up in a much warmer place than you would have thought. And that despite my rather hypothetical inclination to warmer climates, to me, you are more than a checkbox on a places-I’ve-been map.

I do not know if I can call you home, or even if I want to. I already have two of those, and that is more than overwhelming for most people. But you see, lightning struck me twice while roaming within your realms. The first strike was a hell of an experience. I was on a short business trip to Oslo, and I was stunned when I heard this song on the TV, by sheer chance, while randomly flicking through channels to keep the lonely silence of the hotel room away. “They don’t make movies”. It was a Monday evening, and Norway would never again be the same to me, and nor would music.

The second strike was bitter-sweet. More bitter than sweet. So bitter actually that I had to cry on someone’s shoulder, and only yours was available on this cold night. And boy did I cry in the loneliness of my hotel room. I had just heard a song. It said everything a long time immigrant like me tries so hard to hide deep inside for so long, for the only sake of belonging, for acceptance.

“I want to go home for Christmas”.

I know, I am not supposed to have two homes, two allegiances, but I cannot help it. Would you take in a kid who has forsaken their kin? Would you trust an immigrant who spits on their homeland? And still, would you trust a nobody if they did not look and talk and eat and joke and live like you do?

I want to go home for Christmas. I want it so bad that I am still awake in my lonely hotel room, against any and every sound reason to go to sleep, writing these lines while listening to the same damn song which got me there.

I want to go home for Christmas. But I can’t. It is too dangerous. Or too expensive. Or too God damn complicated with three kids, the worst economic downturn a country has ever known and a war raging a few kilometers south.

I want to go home for Christmas, it has been so long. My loved ones are dying one after the other in this God forsaken land, and every Christmas brings less gifts and more sorrow to them. I want to go home for Christmas, but most of my family has left, most of my friends are gone. I do not know if they miss their home country as much as I do, if they hide it as bad as I do, but I sure know I miss them, and what is a home country made of, if not family, friends and memories? I want to go home for Christmas, while it is still there. Even if it is an ultimate goodbye.

“I want to go home for Christmas, let me go home this year.”

So, dear Norway, you are the only ear listening to me right now, you are the only shoulder I can cry on tonight. I want to go home for Christmas, and I have a feeling you understand. I know I have nothing in common with your children, save for the fact that we are human and that we mostly long for peace and harmony, or so we like to think. My ears are deaf to your language, and yours to mine. I do not know much about your history and how you came to be what you are, and I am not sure I ever will. It has taken too much a toll to adapt to a new home, I do not think I can take it another time. I do not know if I can even call you home or even if I want to, but I sure would like to call you a friend. A real one. You can only cry on a friendly shoulder.

So, dear Norway, I bid you farewell this evening, and I hope the weather will not be as cold next time, if there is a next time, who knows. And I pray that in the meantime my people will have reconciled and moved beyond the divide, that my loved ones will stay in good health, that my friends will have not forgotten, that this God forsaken land will have fared better than what you could expect. That the great country that adopted me 18 years ago will remain a parent forever, that I will not be orphaned another time. That the bitterness will not have gotten the best of me.

And I sure hope I will go home for Christmas. Maybe not this year. Maybe not next year. But hopefully soon rather than never. But if by some magic spell, this was the price by which atonement is obtained for this small land on the verge of oblivion, for my home country to get better, if it could be all it takes for time to warp on itself and obliterate the past 48 years of sorrow, if it could make a spell powerful enough for all my fellow Lebanese to wake up from this long nightmare and sleepwalk to their kitchen tables to have a warm coffee, as if nothing bad had ever happened, then yes, and gladly, I would not go home for Christmas. Ever.

Still, I am eager enough to believe we could pull it off if enough people of good faith put their heads to it, and bitter enough to know it just won’t happen. Ever.

And yet, I want to go home for Christmas. One day.

Yours faithfully

Rabih

Onze

Photo by Nadine Biezmienova on Pexels.com

Frêles coquilles que les vagues emportent
Grêles et pluies vers la rade les portent
De frêne ou de buis ou de chêne, qu’importe
De Gênes ou Séville ou la Sublime Porte

Bateaux que les mers déversent sur des plages
D’éclats acérés et de rochers sans âge
Navires qui voguent vers de laids rivages
Dont les mortes branches démentent l’adage

Que chez les voisins l’herbe est toujours plus verte
Pour tous ces damnés qui courent à leur perte
Bravant les récifs et les îles désertes
Laissant à la mer leurs dépouilles inertes

Que de fois vos espoirs se sont-ils brisés
Comme ces bateaux, du destin la risée

Let the board sound

Rabih

Trop Tard Trop Tôt

Photo by samer daboul on Pexels.com

Ce soir, je ne me sens pas de me battre contre le sort à coups de plumes et de mots. Le café serré et l’écorce d’agrume sur fond de Daily Battle ne me consolent pas. Que le phœnix se relève de ses cendres ou qu’il crève pour de bon, peu me chaud.

Ce temps que nous aurions dû passer avec eux, nous l’aurons passé à courir après les titres de séjour, les cartes téléphoniques et les billets d’avion, à essayer tant bien que mal de nous intégrer dans nos nouvelles patries, en espérant en vain ne pas trop délaisser les anciennes. Nous l’aurons passé à tenter de nous construire un avenir près d’eux quand ils étaient déjà loin de notre présent. Et loin d’eux, notre présent l’est encore, après toutes ces années. Quant à notre avenir, trois points de suspension…

Ces pères, ces mères, qui de loin s’enorgueillissent de nos réussites dans ces contrées d’espoir, s’en vont discrètement noyer leurs larmes dans les nuits sans sommeil de ce petit pays au bord de l’oubli. Ces petits frères, ces petites sœurs qui ont grandi loin de nous, nous les avions laissés enfants, nous les retrouvons adultes dans ce même pays qui nous accueillit il y’a des années. Et les larmes continuent, discrètement, de l’autre côté de la méditerranée. Les amis sont partis, évidemment, puisque nous buvons tous au même calice dans ces contrées damnées. Quant aux souvenirs d’avant, ils nous suivent fidèlement là où la vie nous mène. Ne nous restent de ce pauvre pays que les parents. Le reste importe peu.

Alors, Seigneur, donne-nous encore quelques années avec eux. Tu pourrais peut-être en taxer quelques-unes de ce futur auquel nous avions tellement cru. Il est grand temps qu’il devienne le présent. Laisse-les-nous encore un peu. S’il te plait, ne nous les prends pas trop tôt.

Let the board sound

Rabih

Les Fossoyeurs de Poésie

Photo by NEOSiAM 2021 on Pexels.com

Me liriez-vous encore si j’écrivais une fois de plus mon inquiétude, mon angoisse pour ce petit coin d’Orient? Me liriez-vous une fois de plus si j’écrivais encore ma colère pour ce gâchis qui nous pousse par milliers au bord de l’oubli?

Au lendemain de cet embrasement que la folie des hommes provoque et que leurs extrémismes entretiennent dans cette région chargée d’histoire et de conflits, ce pauvre petit pays que j’invoque si souvent est bien plus près du précipice que l’on ne voudrait le croire. Il s’en faut d’une étincelle, un bout de plomb, une allumette, pour que d’aucuns à l’affut d’un prétexte, d’un côté ou de l’autre nous poussent dans le vide.

Pour vous qui me lisez, du fond de vos fauteuils, à la pause méridienne ou au plus sombre de la nuit, ceux qui attisent les flammes ne sont pas des vôtres. Ils n’en seraient pas là s’ils étaient un peu poètes, s’ils vibraient au son des rimes, si les mots bleus qu’invoque une chanson vieille d’un demi-siècle pouvaient toucher leurs cœurs ou leurs esprits.

Pour faire changer les choses, je n’ai d’autres leviers que ma plume, d’autres points d’appui que les mots qui émergent de temps en temps sur ce papier blanc, autant de leviers et de points d’appui pour tenter de soulever le monde.

J’écris donc mon amour pour ce lopin de terre coincé entre les montagnes enneigées et la méditerranée. J’écris ma crainte face à l’embrasement de cette région et mes prières pour tous les innocents qui périssent en ce moment même, piétinés pas la vanité et la folie de ceux dont les sombres desseins sont à la croisée de l’opportunisme servile et de la vengeance aveugle. J’écris mes souhaits, j’écris mes prières, j’écris mes contradictions. Mais j’écris. Peut-être en restera-t’il quelque chose, quelques mots, quelques idées pour faire face à la barbarie des fossoyeurs de poésie.

Let the board sound

Rabih

The Cold Knob

A small note inspired by Beaudelaire and The Doors

Photo by Dima Pechurin on Unsplash

There is no simple way out. It is not that the doors are locked, it is just that there are so many of them. They all look alike. Many lead nowhere. Most lead to other doors. And we get tired of doors. They all look alike, don’t they.

Well, some doors are different. They feel different. The doorknob is a tiny bit warmer to the touch. The others are a tiny bit colder. They slightly bite the hand. And then, a pattern emerges. And it suddenly dawns on us. We have known this pattern for as long as we can remember.

The pattern is that of avoidance. Who cares for a bite when they can settle for a warm touch. Pretty soon, we find ourselves reveling in that comfort zone, forfeiting the only choice we are given by design, that of choosing the wrong knob to turn.

Many lead nowhere. Most lead to other doors. But no door leads to hell. None. No need. Hell is hot by all accounts, as are becoming the doorknobs we are holding on to. Every time we touch a warm one, we bring a bit more hell into our lives.

And as warm becomes warmer, we realize it’s been the same handle we’ve been turning the whole time, the warm one, leading to another warm one, which leads to the initial warm one in a never-ending circus.

By the time we realize that maybe, just maybe, the cold knob is an option too, our hands would have become so hot from the knob turning that they stick to the cold brass like a child’s tongue to an ice-cold fence.

A few would still move forward, even at the expense of some square inches of palm skin, a modest price for the immense possibilities lying ahead, out of their comfort zone, and into the cold and the unknown.

And a way out. Who knows…

Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ?
Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau !

Let the board sound

Rabih

Visiteur d’un Soir

Colonnes soutenant les voutes centenaires
Froides compagnes d’un crépuscule d’automne
Voutes que les murmures de l’astre solaire
Ne transpercent plus de leurs vocales atones

Dans le silence sourd, la froide solitude
Une lueur vacille, étincelle ténue
Cierges que pèlerins pleins de sollicitude
Brûlent à l’intention de causes ingénues

Lucioles qui bercent d’obscures ogives
Qui réchauffent le cœur du visiteur d’un soir
Poussé par la beauté austère et primitive
Vers la prière pour un pays sans espoir

Se reprend-il soudain, craignant le ridicule
De la vignette dont il est le personnage?
Son être cartésien qui se veut incrédule
Regrette cet élan, désécrit cette page

Mais l’appel est puissant, et l’angoisse fébrile
Urgence pour la maison qui l’aura vu naître
Et contre toute attente, et bien que puérile
La prière jaillit du tréfond de son être

Seigneur s’entend-il dire, à genoux sur les dalles
Pitié pour ce pays au bord du précipice
Pour ses pauvres enfants perdus dans leur dédale
Et leur sombre destin renié des auspices

Et dans la vieille église sous la froide brise
S’éleva la supplique d’un homme affaibli
Cri du cœur pour une terre que le sort brise
Pour un pauvre pays aux portes de l’oubli

Let the board sound

Rabih

Oriental Night

Or how to build castles in Spain while smoking chicha

Chicha — Image belongs to author

One chicha please. Two actually. Lemon-mint for her, two-apple for me. Local beer. Beirut? Almaza? Go for an Almaza! Two! It is one in the morning and we have been building castles in Spain for the past couple of hours while smoking our water pipes.

The well-groomed-well-behaved client base of the early evening is steadily replaced by more sophisticated clients, for lack of a more suitable term. The valets rush to attend to the German sedans and other Range Rovers to which the little commoners of the early evening give way. Less students. More Rolexes. More Polo riders and flashier horses on the gents shirts, more cleavage for the ladies.

We Lebanese are fans of the bling style. Nothing illustrates better this mix of show-off and bigger-is-better attitude than the size of the horses on the Ralph Lauren shirts that dress our oversized egos. We are experts at anything and everything. Economy, business, politics, fashion, you name it. We know it all and we loudly dispense our self-proclaimed knowledge to whoever wants to listen. “They” do not get it. “We” now better.

We, however, obviously failed at attending to this small piece of land on the Mediterranean shores, but it is not our fault. Everyone knows that the country is playground to the regional and world powers and that fate gave us impossible neighbors. We made so sure to repeat it endlessly to whoever would listen that we ended up believing it ourselves. If you probed our collective mind, you would hear these cold words:

Our destiny does not belong to us, it is decided in the chancelleries of the regional and super powers of this world.

This belief is not completely wrong. It is not right either. No country is immune from the influence of its neighbors, no nation is impenetrable to the interests of the world powers. Despite that, all nations can and should have a word in their destinies.

All the Lebanese of my generations have been fed a narrative haloed with legend: Lebanon, land of milk and honey, seventy times chanted in the bible, country with an Arab face turned towards the West, French-speaking country at the forefront of the Arabic revival of the turn of the twentieth century, multi-confessional country founded by a National Pact, message of fraternity, historical refuge of minorities, Switzerland of the Orient, and so on.

Time taught us a different reality, that of otherness, that of difference. Our country is much more fragmented than we thought. Its 10454 square kilometers are too narrow for so many differences, opinions, confessions, customs, accents and landscapes. Lebanon is too narrow for all the bitterness left by the civil war.

Upon this realization, the country morphs into airtight bubbles. It reduces to the region where we grew up, to parents and relatives, old friends and people we know. Others are perceived as neighbors at best, and many times as opponents.

The ensuing exile, which ultimately pushes the Lebanese youth to other countries where the grass is greener, makes things worse. It changes us. This very bubble in which we reveled becomes too narrow. Nostalgia chains us to it but we grow distant from our fellows there. They vote too wrong. They moan too much. They bling too much. They no longer look like us, or rather, we no longer resemble them.

After having reduced to a bubble, the country reduces to its most simple expression: close family, the house where we were born, a couple of dishes our mom used to cook for us. Even so, this most simple expression soon ends up melting like the strawberry ice cream from our childhood. The country becomes the Self, a tear between living life as it has become and the nostalgia of a few memories from a time which will never come back.

Our country will only become whole again in the face of oblivion.

The ambiguity you just read is intended. It can be understood as a burst of patriotism in face of dire circumstances, as the children of a country on the verge of oblivion rally to face nothingness. You can also read between the lines. You see, a sudden realization just dawned on me between two puffs of apple-flavored tombac.

To love our country, we must forget. We must reconcile with the folks back home. We must accept their difference, or ours actually, and understand that departure, which was our choice, has made us who we are, but that our brothers who remained there are not responsible for it. That their democratic choices have been confiscated by a corrupt ruling class, that the economic situation with which they struggle dispenses them from our remonstrances, that those who count the blows from afar do not know what it actually means to ply under them. And that given the circumstances, a no bling policy may be ill advised. A bit of bling-bling never hurt anyone.

And so, I put on a pink polo shirt with the largest and reddest horse, a chrome wristwatch with a 48 mm bright dial, Ray Ban aviators hanging from the unbuttoned collar, blue swede moccasins and white chinos, and a Panama hat in my hand, not to overdo it since the sun has set hours ago, and I borrow my brother in law’s SUV and his sister to go build castles in Spain around a chicha in a seaside restaurant somewhere in Batroun or Byblos, while dispensing my self-proclaimed knowledge in economics and international politics, without suffering competition from neighbors wearing white horse-adorned polos and Rolexes. I will blend in, I have to.

Bling has charm. Weirdly enough, it reconciles me with my fellow Lebanese and my home country. It brings forth the charm of the people there: despite their shortcomings, whether real or supposed, the Lebanese are good company. But first and foremost, the Lebanese are beautiful.

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Rabih

Soirée Orientale

Ou comment refaire le monde autour d’un narguilé

Narguilé — Image belongs to author

Un Narguilé. Deux. Citron-menthe pour elle, deux-pommes pour moi. Bière locale. Beirut? Almaza? Allez, va pour une Almaza! Deux! Il est une heure du matin, nous refaisons le monde autour de nos pipes à eau depuis maintenant plus d’une heure.

A la clientèle bon enfant du début de soirée commencent à se succéder des clients plus sophistiqués, à défaut d’un autre terme. Les voituriers se pressent autour des berlines allemandes et des Lexus et autres Range Rovers auxquelles les petites roturières du début de soirée cèdent la place. Moins d’étudiants, plus de Rolex. Plus de joueurs de polo à cheval sur les vêtements de ces messieurs, des décolletés plus plongeants et des bijoux plus voyants pour ces dames. Sport-chic-branché.

Nous autres libanais sommes des inconditionnels du bling. La taille des chevaux sur nos polos Ralph Lauren illustre assez bien ce mélange de m’as-tu-vu à la sauce bigger-is-better qui habille tant bien que mal nos égos surdimensionnés. Nous sommes experts en tout voyez-vous. Economie, affaires, politique internationale, mode, tout je vous dis. Nous avons tout compris et nous dispensons notre savoir auto-proclamé à défaut de notre sagesse à qui veut bien écouter, à coup d’opinions clamées haut et fort à l’emporte-pièce. “Ils” n’ont rien compris. “Nous” savons mieux faire.

Bien évidemment, nous n’avons pas su prendre soin de ce pauvre lopin de terre au bord de la méditerranée, mais ce n’est pas notre faute. Tout le monde sait que ce pays est le terrain de jeu des puissances régionales et mondiales et que le sort nous a donné des voisins impossibles. Nous nous sommes tellement assurés de le répéter à qui veut bien l’entendre que nous avons fini par y croire. Sondez l’inconscient collectif de notre peuple, si une telle chose était possible, et vous entendrez ces mots glaçants:

Notre destin ne nous appartient pas, il est décidé dans les chancelleries des puissances de ce monde.

Cette croyance n’est pas complètement hors-sujet, sans être tout à fait vraie. Aucun pays n’est immunisé des influences de ses voisins, aucune nation n’est imperméable aux intérêts des puissances mondiales. Cependant, toutes ont leur mot à dire quant à leur destinée.

Comme tous les Libanais de ma génération, j’ai été biberonné dès mon plus jeune âge au lait d’un narratif auréolé de légendes: Liban, pays de lait et de miel, soixante-dix fois chanté dans la bible, pays à visage arabe tourné vers l’occident, pays francophone à la pointe du renouveau arabe du vingtième siècle, pays multiconfessionnel fondé sur le Pacte National, message de fraternité, refuge des minorités, Suisse de l’orient, et j’en passe.

Le temps nous apprendra une autre réalité, celle de l’altérité. Notre pays est bien plus morcelé que nous ne le pensions. Les 10 454 kilomètres carrés et leurs habitants sont le siège de beaucoup trop de différences, de paysages, d’opinions, de confessions, de coutumes, d’accents. De beaucoup trop de rancœurs. Une guerre est passée par là.

A ce moment, le pays se morcelle en bulles hermétiques. Il se réduit à la région où nous avons grandi, à la parenté, les connaissances, les coreligionnaires. Les autres sont perçus au mieux comme des voisins dont on se méfie un peu, au pire comme des adversaires.

L’exil qui suit, certitude qui pousse tôt ou tard la jeunesse de ce pays vers d’autres contrées, n’arrange pas les choses. Il nous change. Cette bulle dans laquelle nous reconnaissions notre pays nous semble maintenant trop étriquée. Nos souvenirs nous y enchainent mais nos semblables nous horripilent. Ils sont trop blings. Ils votent trop faux. Ils râlent trop. Bref, ils ne nous ressemblent plus. Ou plutôt, nous ne leurs ressemblons plus.

Le pays se réduit alors à sa plus simple expression: la famille proche, la maison qui nous a vu grandir, les quelques plats qui nous manquent. Au bout du chemin, même cette plus simple expression fond comme les glaces à la fraise de notre enfance. Le pays finit par devenir le Moi, il se réduit aux souvenirs des années d’avant l’exil, ceux qui peuvent encore nous arracher des soupirs de nostalgie.

Il ne redeviendra le Liban que face à l’oubli.

Je laisse cette dernière phrase ambigüe à dessein. On peut la comprendre comme un sursaut de patriotisme face à la menace, le ralliement des enfants perdus d’un petit pays au bord de l’oubli. Mais on peut aussi y voir un autre sens. Voyez-vous, je viens de comprendre quelque chose de très important entre deux bouffées de tombac aux deux-pommes.

Pour aimer son pays, il faut oublier. Il faut se réconcilier avec ses habitants. Il faut accepter leur différence et comprendre que le départ, qui fut notre choix, nous a façonné en ce que nous sommes devenus, mais que nos frères restés au pays n’y sont pour rien. Que leurs choix démocratiques ont été réellement confisqués par une classe dirigeante vérolée et vérolante, que la situation économique du pays les dispense de nos doctes remontrances, que ceux qui de loin comptent les coups, ne savent pas vraiment ce que souffrent ceux qui les reçoivent. Et que vu les circonstances, un peu de bling serait le bienvenu. Un peu de bling n’a jamais fait de mal à personne.

Je me pare donc de mon polo le plus blanc avec le cheval le plus voyant, de ma montre la plus bling, lunettes de soleil siglées accrochées au col, chinos bleus et mocassins en cuir, panama hat à la main pour ne pas trop en faire quand-même puisqu’il fait déjà nuit, et j’emprunte le 4X4 de mon beau-frère ainsi que sa sœur pour aller refaire le monde autour d’un narguilé dans un resto de bord de mer du coté de Batroun, sans démériter face à d’éventuels voisins en polo blancs et en Rolex.

Le bling a son charme voyez-vous. Curieusement, il me réconcilie quelque peu avec mon pays d’origine. Je trouve qu’il fait ressortir le charme inné des habitants de ce pays: malgré tous leurs défauts réels ou supposés, les Libanais sont de bonne compagnie. Mais surtout, les Libanais sont beaux!

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Rabih

Lebanon: Abandoned Baby in Plastic Bag Found in Stray Dog’s Mouth

This is the only headline on Lebanon in the international section of Le Figaro today

Le cèdre foudroyé – Photo belongs to author.

I am writing these lines on an electronic platform, or whatever you want to call this publishing artefact, in a language which my ears learnt to hear quite late in life. It means I have Internet access, through a laptop or a tablet, some electricity. It means I had the opportunity to learn this language at some point. If you read me on this platform, we probably share access to the same kind of opportunities and resources. We belong to a bubble, that of people who have the time and means to spare a few minutes in a day to spend on something else than survival.

Everything seems relatively fine in this world of ours. We might have had less sunny days sometimes, we might have felt a lighter kind of poverty than what you see on television, you know, late electricity bills, bailiff reminders, redundancy. We have never met real hunger. It does not belong to this bubble in which we revel. We have never held a dying child in our arms, in front of closed hospital doors, being denied urgent care because of our dire finances. People like that are seldom part of our world. They do not belong to the bubble. We only meet them in news headlines every once in a while.

Which brings me to the main topic of this post, a simple but terrible fact taken from the news headlines.

Lebanon: Abandoned Baby in Plastic Bag Found in Stray Dog’s Mouth

This is the only headline on Lebanon in the international section of Le Figaro today. It is the only fact to emerge from the waves in which this country is sinking.

Lebanon in the summer of 2023 seems to be under the sign of celebration, nevertheless. Restaurants are springing up like mushroom. Clubs are packed and refusing people. Beaches are full and roads are jammed with German sedans, American SUVs, and the occasional sports car. The few remaining Airbnb rentals cost a fortune. Two million tourists, mostly Lebanese expatriates, are expected this season. All of them are part of the bubble. The others however are numerous, invisible, silent. The vast majority of my fellow citizens do not have access to basic necessities. Healthcare. Mobility. A decent job. Food safety. Plain safety. The state institutions are absent at best and the infrastructure is collapsing.

As you know, I claim in my posts to belong to a small country on the verge of oblivion. This country which seems to stubbornly contradict me is ill. really ill. Maybe terminally ill. This child, abandoned in a plastic bag, is a silent witness of the state of the country and a victim of it. My fellow citizens, do not allow yourselves to be fooled by what you see. The global summer party is but an illusion. You can feel it somehow. Look beyond the ice walls of the bubble shielding you from reality and remember that at the end of the sparkling night, the sun may very well not rise on this small country on the verge of oblivion.

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Rabih

Liban : Un Bébé Abandonné dans un Sac-poubelle Découvert dans la Gueule d’un Chien Errant

C’est le seul titre sur le Liban dans la section “International” du figaro d’aujourd’hui

Le cèdre foudroyé — Photo belongs to the author.

J’écris ces lignes sur une plateforme électronique dans une langue qui n’est pas la mienne. J’ai donc un accès internet, un ordinateur ou une tablette, un peu d’électricité. J’ai eu l’opportunité d’apprendre cette langue. Si vous me lisez sur cette plateforme, c’est que nous partageons très probablement l’accès aux mêmes types de ressources et d’opportunités. Nous faisons partie d’une bulle, celle des gens qui ont le temps et les moyens de se dégager ces quelques minutes dans une journée pour y faire autre chose que survivre.

Tout va relativement bien dans notre monde. Nous avons peut-être eu des jours moins ensoleillés parfois, connu une certaine pauvreté assez incommodante, celle des factures d’électricité en retard, des relances d’huissier, ou celle du chômage de plus ou moins longue durée. Mais nous n’avons jamais connu la faim. Elle ne fait pas partie des caractéristiques de notre bulle. Nous n’avons jamais tenu un enfant mourant dans nos bras, devant les portes fermées d’un hôpital qui nous refuse des soins à cause de notre misère. Ces gens-là, nous ne les connaissons pas, ils ne sont pas de notre bulle. Nous ne les rencontrons que dans les faits divers, parfois, par journal interposé.

Ce qui m’amène donc au sujet principal de ce billet, un fait divers, simple et terrible.

Liban : un bébé abandonné dans un sac-poubelle découvert dans la gueule d’un chien errant

C’est le seul titre sur le Liban dans la section “International” du figaro d’aujourd’hui. C’est le seul fait qui émerge des flots où ce pays est en train de sombrer.

Le Liban de l’été 2023 semble pourtant placé sous le signe de la fête. One Big Party. Les restaurants poussent comme des champignons. Les clubs refusent des gens. Les plages sont bondées et les files de berlines allemandes et de 4X4 américains ou japonais s’étalent sur les routes à toute heure du jour. Les locations AirBnB s’arrachent à prix d’or. Deux millions de touristes sont attendus cette saison, expatriés libanais pour la plupart. Tous font partie de cette bulle. Les autres cependant sont innombrables, silencieux, invisibles. La grande majorité de nos concitoyens n’a plus accès aux soins les plus basiques. A la mobilité. A un travail décent. A la sécurité alimentaire. A la sécurité tout court. Les institutions de l’état sont aux abonnés absents et les infrastructures s’effondrent.

Comme vous le savez, je me réclame d’un petit pays au bord de l’oubli dans mes billets. Ce pays qui s’entête apparemment à me contredire va mal. Très mal. Ce pauvre enfant abandonné dans un sac en plastique est le témoin silencieux de cette situation désastreuse et sa victime. Chers concitoyens, ne vous laissez plus berner par les apparences. La grande fête estivale n’est qu’une illusion. Regardez au-delà des murs de glace qui protègent notre bulle de la dure réalité et rappelez-vous qu’au bout de ces nuits d’étoiles et de paillettes, le jour peut très bien ne pas se lever sur ce petit pays au bord de l’oubli.

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Rabih

A Constant State of Serendipity

Answering a compadre’s question on how I do it. An essay on God, faith, free will and wisdom

Photo by Carolina Garcia Tavizon on Unsplash

Compadre.

We have been riding the same kind of horses for a while now. Like the Small-Country-on-the-Verge-of-Oblivion one as I would put it, or the Same-Boiling-Clusterfuck one, as you would put it. Two sides of the same kind of coin. Same problems, different outlooks.

You know me well enough to have inferred the link to faith. However. It is never easy nor innocuous for a faithful to speak of one’s faith, especially if it stems from choice rather than inheritance, and even if it stems from the choice of accepting an inheritance. The dosage has to be perfect, and it never is, especially when a sharp compadre is reading on the other end.

So here is my take on a constant state of serendipity. I hope you will find something for the taking, otherwise, do not let it rub you the wrong way, sit on it, throw it away, whatever works for you. Just hear me out with a heart big enough to hear me out.

So faith, of course, but not because of the promise of an afterlife. You see, I choose to believe in a benevolent creator. I choose to believe that God is, and that he is a parent. And parents hope they have raised independent and autonomous individuals capable of navigating their way in the world. They trust that the values they believe they were able to engrave in their children still guide their choices in life.

You and I are both parents. We both know we cannot and will not meddle with the lives of our children once they reach adulthood. We will always be there for them, lend out a helping hand when it makes sense, but we cannot live their lives for them. If God exists, and if we are even a tiny little bit in his image, I sure hope he would not live our lives for us.

God will not interfere with our actions, because he gave us all we need to work it out: free will and an inner compass called conscience. I know I am oversimplifying things; we are driven by much more than our will and conscience. We are tributaries of our flaws, our inner biases, our imbalances, our childhood traumas, our allegiances, and social pressure to name a few, and these can have considerable effects on our judgement. Despite that, and hard as a choice may be, we are still free to choose, and we have the innate ability to tell right from wrong.

I sincerely believe that free will is at the core of God’s intended design. It has to be, for otherwise, humans would be deterministic systems, algorithms, and life would be as lame as a Tetris game. Our existence would have no meaning. So, I choose to believe we are more than that. I choose to believe that I mean something.

With free will, we become the makers of our own destinies, for better or worse. We can leave a legacy in the universe, remodel it to the real scale of our greatness, or lack thereof. With free will, we are able to overcome inner root calls to obliterate who and what our most basic survival instinct deems a menace. Or we can choose to succumb to the call, many times at the expense of our fellows. And we have chosen to blindly turn to the cold and sharp blade in us many times over, and this has led to universal disasters.

Much as God would like to change our minds in such instances, he still constrains himself to the rule of the game, which is free will. Outright meddling with the free will of even one of his creatures could spread to the entire creation, because an idea or an action which he imposes on a creature has consequences around that creature which are far more reaching. A tiny bit of God-sanctioned determinism in a universe based on free will might spread like a patch of ink in clear water, irretrievably flawing the very choices we could have made with the now defunct free will. All he can do is sit on the side and weep while we destroy ourselves. Anything else is a cheat code.

Or is it so.

Both people of good faith and rotten apples benefit from free will. This is why it takes so long for things to move in the right direction, but they will eventually, as long as there are more people of good faith making it happen than rotten apples dragging us back to the Middle Ages.

I think we can agree that we are moving forward in the grand scheme of things, and that all the credit goes to people who made a difference at some point. People who saw war, cancer, injustice, famine, earthquakes and crime as challenges to overcome in the path to a better world. People who believed in a greater good.

In the end, I do believe in God as you so rightly put it. Is it that different than believing in a greater good for mankind? Call it God if you will, and you become God’s miracle in this world. And maybe the meaning of our life, the ultimate goal, is to make the lives of those around us a little better, push the world a bit further towards perfection. Would it not make our lives worth living, even if we cannot grasp the results in our lifetime? Even if it seems pointless in the face of all the evil and injustice? Do you not see any hope?

It is because of harsh winters and famines that humans came up with the technology and means to mass produce food and cheap energy. As for wars, well, they could be prevented if some stakeholders were magically silenced, but again, that goes against free will does it not? Cancer? Well, if the people calling the shots diverted the war effort and budget to medical research, then, arguably, cancer would have been eradicated a long time ago. But again, God is not calling the shots here. It has all been delegated to us since the dawn of time.

And about the wisdom, well, it is one of the gifts you can ask God to grant you. There are actually seven of them according to my faith, but regardless, if believing in God is akin to believing in a greater good, then asking God for wisdom and pursuing this greater good are related. I do ask God for wisdom but asking is not enough. Wisdom is not bestowed on you by virtue of a magic spell. Free will, remember? You have to make it happen somehow and you can only do that by trying to make the best you can at your scale, relying on your free will and inner compass.

Only then does a wisdom grant become a slight oversteer from God, rather than a magical ability bestowed on you by him, because most of the work will have been done through your free will and your conscious choice to follow what you think is the path to greater good. A pinch of wisdom should be icing on the cake. Necessary icing but still icing. The heavy lifting is on us. His intervention will only be an extension of our will and our deeds, when we are out of cards. When we need him. They say God works in mysterious ways, but one thing his work is not is a David Copperfield show.

In the end, reading myself, it seems to me you and I are not that different. You do believe in greater good, and it shows because wars, injustice and moral turpitude have such a profound effect on your well-being, even when you are not directly affected by them. The difference? Outlook. I choose to believe I can make a difference. I choose to believe I have meaning. I choose to believe that there is a god above and that I am not alone in my endeavor. I choose to believe in a greater good for mankind. As do you. We just call it differently.

As for this constant state of Serendipity, well, it is anything but constant: your choices are as good as all your biases and flaws and all the weight you carry from the years gone by and the ordeals you have faced.

But then, you can choose to always find light at the end of the tunnel and write that into a blog.

Free will, remember?

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Rabih

Le Sens des Choses

Photo by Teresa Howes on Pexels.com

Je m’attache aux choses.

Depuis ma plus tendre enfance, je m’attache aux choses qui m’entourent. Les plus belles pour leur beauté, tout simplement, les plus humbles pour qu’une âme au moins s’y soit attachée, pour leur acheter encore le temps d’une vie humaine, la mienne, avant qu’elles ne sombrent dans l’oubli, car, dans ma logique d’enfant, si je ne m’y attachais pas, qui d’autre l’aurait fait?

J’avais assez bien compris que les choses et les objets n’existent que par l’attachement que l’on leur confère. Que l’univers n’existe qu’à travers nos sens. Un univers vide peut-il exister sans au moins une conscience qui en fasse l’expérience? Sans personne pour en rendre compte? Un objet oublié de tous au fond de l’océan existe-t-il encore? On peut très bien tomber dessus par hasard me diriez-vous, mais il n’en existera pas plus s’il retombe immédiatement dans l’oubli. Il suffit pourtant de le ramasser pour le faire exister de nouveau.

Ce que j’essaie peut-être de dire, c’est que leur sens est ce qui confère une existence aux choses. Et quel sens plus noble que celui de marquer un instant, une personne, un évènement d’une pierre blanche, de retenir l’essence d’un souvenir et d’en restituer l’odeur, la couleur, le goût, les émotions, avec la patine des années qui passent? Ce livre d’un autre âge? Ce doudou un peu défraichi? Pour certains, c’est un grand père parti trop tôt, car ils partent tous trop tôt, même à quatre-vingt-dix ans. Pour d’autres, un enfant qui n’en est plus un que dans leur mémoire, au soir de leur vie, quand les petits-enfants se marient déjà.

Les objets qui me rappellent des faits marquants, des amis, des parents, sont comme des marque-pages dans le livre de mes souvenirs. Ils me ramènent vers un monde maintenant révolu, des personnes parties depuis longtemps. Un pays au bord de l’oubli. Le temps se dissout dans la nuit, je m’y prélasse. Vous connaissez la recette, j’en parle assez souvent. Une nuit d’orage, pluie battante, pour la beauté des éléments déchainés, un petit luminaire dans la pénombre, un thé, ou mieux, un café avec une écorce d’orange dedans. Comfortably Numb en sourdine, ou Daily Battles. Ce soir c’est Plus Jamais d’Aleph.

Ça tombe bien, le temps est déchainé en cette nuit de juillet, le vent courbe les bambous dehors, la pluie noie le paysage dans une brume translucide. Je me replonge dans le Liban de la fin des années quatre-vingt-dix et du début des années deux-mille, et je pense à vous. Nous n’avons plus de nouvelles les uns des autres, le temps et la distance s’en seront assurés. Mais ils n’ont peut-être pas encore eu raison de nos amitiés.

Alors, rendez-vous cet été quelque part dans ce petit pays au bord de l’oubli?

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Rabih

Sous un Ciel d’Orient

Photo by Mo Eid on Pexels.com

Ciel de nuit, tout étoilé sans doute, bien que les lumières de la ville éclipsent ces astres lointains. Il fait chaud. Très chaud. La ville ne dort pas. Aux Porches Cayenne d’il y’a quelques mois se sont succédé les Corvettes. Elles seront bientôt suivies d’une vague d’Audis R8. La mode est une curieuse créature sous ces latitudes.

Les vrais connaisseurs savent pourtant que la mode véritable et véridique est intemporelle. Toyota Land Cruiser ou son équivalent Lexus. Peut-être même un G63 pour les plus excentriques, mais guère plus. La jeunesse se laissera peut-être embobiner par des sirènes italiennes ou même allemandes, allez savoir, mais les vrais hommes du désert, ceux qui ont gardé ce petit je ne sais quoi des jours d’avant, ou qui l’ont hérité de ceux qui, parents ou mentors, ne l’avaient pas encore perdu, ceux-là savent mieux. Une Italienne racée ne vaut rien sur une dune.

Je suis à la terrasse de Sayyid. Chicha aux deux pommes, tasse de thé-gingembre, partie de backgammon désespérée. Je suis en train de perdre bien évidemment, sans doute parce que Georges, contre qui je joue, vient de m’en apprendre les règles. Il doit être pas loin de minuit. Je prends une longue bouffée de tombac édulcoré aux deux pommes et je songe à l’avenir. Je suis au carrefour d’une vie déjà bien remplie. J’ai vingt-huit ans, largué, donc libre comme l’air, et mon destin est à construire. Je suis loin de me douter de ce que ce destin sera fait. Je suis loin d’imaginer tout ce que la vie me réservera au cours des treize années qui suivront cette longue bouffée de chicha, les opportunités, les joies, les peines, les aventures. Les rencontres. Surtout les rencontres. Je ne vous cache pas que certaines auront été plus marquantes que d’autres. Comme ce jour où j’ai fait la connaissance de Rita. Vous la connaissez bien cette rencontre, et vous savez peut-être que c’est un peu à travers elle que la majorité des rencontres qui ont compté dans ma vie ont vu le jour. Mais ce n’est pas de l’histoire de cette rencontre qu’il s’agit ce soir.

Je ne suis pas quelque part entre Oslo et Paris, pour une fois. Il est minuit quarante-sept, et je suis assis au fond de mon canapé, celui-là même où vous vous étiez calés pour boire un café libanais, chez ces gens que vous rencontriez pour la première fois, tandis que le petit pirate qui vous sert de fiston se frottait au petit bandit qui tient le même rôle dans notre maison.

Ce soir, vous êtes sur le point de repartir vers l’orient, après une aventure qui aura duré de longues années et qui vous aura menés à croiser notre chemin, et nous le vôtre. Du fond de mon canapé, je me souviens de cette rencontre, de celles qui ont suivi, des soirées mémorables qui en furent les corolaires, et le vieux Gaveau à ma droite n’en est que plus nostalgique. Votre futur dans ces contrées orientales titille mon passé dans les mêmes contrées et fait resurgir les souvenirs d’une période de ma vie qui fut douce-amère. J’en garde l’habitude de boire mon café avec une pelure d’orange pour en relever l’amertume, car même l’amertume finit par s’adoucir à travers les souvenirs, et de souvenirs, on n’en garde finalement que les plus beaux, le temps s’en assure pour nous. Tout ça pour dire que l’amertume que votre départ laisse ici se sirote comme celle d’un café à pelure d’orange, ou mieux, comme celle d’un Old Fashioned, à la lueur des souvenirs de ces dernières années où nous nous sommes connus.

Ce billet un peu vignette ou carte postale est mon cadeau d’adieu. Quant à votre cadeau pour moi, et bien, vous me lirez de temps en temps et vous vous souviendrez de ce pote qui publiait des billets à pas d’heure et que vous lisiez durant vos insomnies, parfois, comme maintenant. Et vous repasserez par Paris bien sûr, cela va sans dire.

Nous gardons d’ailleurs le cousin en otage. On ne sait jamais avec les commerciaux…

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Rabih

Autant que je puisse en juger

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Une langue slave, autant que je puisse en juger. Deux jeunes gens, un couple somme toute sympathique, autant que je puisse en juger. Les Balkans, peut-être, ou peut-être l’Ukraine. Autant que je puisse en juger. Je laisse tomber Onfray et décide de m’intéresser un tant soit peu à mes semblables.

Il prend du thé. Une bouteille d’eau. Elle prend la même chose. Et moi de même, histoire d’engager la conversation, comme sur un malentendu, “Ah tiens, nous avons pris la même chose!”. Les rêveries du promeneur solitaire auxquelles je m’adonnais à l’aller n’ont plus cours semble-t-il. Je me reprends soudain: le sujet du moment viendra sur le tapis tout seul, et avec lui, les platitudes auxquelles mes deux jeunes voisins ne pourront que se résigner, venant de la part d’un monsieur en costume-cravate de quinze ans leur ainé. Bon, vingt ans. Ou alors, ils sont Russes, mais cela ne changera pas grand-chose: Mêmes platitudes mais en mirroir.

Est-ce que je saurai leur épargner la déconvenue d’une conversation convenue que je leur aurais moi-même infligée? Les flatteries? Les non-dits? Eviter de ménager les sentiments d’un David dont la patrie ploie sous une pluie de feu et d’acier, ou les sentiments d’un Goliath dont la patrie est mise au ban des nations, alors qu’en réalité, Ukrainiens soient-ils ou Russes, ils ne sont ce soir que les pauvres enfants égarés d’une patrie au bord de l’abîme et d’une nation qui s’enfonce dans l’obscurité? Le fils d’un petit pays au bord de l’oubli que je suis aurait pu mieux faire que de sacrifier à la crainte des platitudes mondaines. Il aurait dû mieux faire. 

“PNC, début descente.” 

Il ne me reste qu’une vingtaine de minutes pour partir à la recherche du temps perdu. Vite! Trouver la bonne perche pour tisser un lien. Plait-il? Ils ne parlent pas Anglais? Ah… La bonne excuse qui tombe à point nommé pour me donner bonne conscience. Un regret de plus, une occasion ratée de rendre ce monde un peu meilleur. Ou pas. Autant que je puisse en juger.

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Rabih

Solitude

Décidément, je n’écris plus qu’à trente-mille pieds d’altitude. J’avais bien tenté de lire un peu, mais la démangeaison d’écrire aura eu raison de ce brave compagnon de voyage vers la page trente. Ce n’est que partie remise, tu seras plus qu’un compagnon dans la solitude des nuits d’hôtel. Un confident. Tiens, nous referons peut-être le monde autour d’un Old Fashioned au bar du trente-quatrième.

Ce soir donc, je voyage seul. Bien calé dans mon 8F coté hublot, les barrières de l’éther ou de la langue me séparent de mes semblables, qu’ils soient trente-mille pieds plus bas ou assis au 8D. C’est l’occasion rêvée de se perdre dans des pensées inutilement inutiles et les coucher sur du papier. La solitude ne m’effraie pas. Je la recherche. C’est un luxe que l’on ne peut plus s’offrir souvent, même dans nos pensées.

Elle est tout mon contraire de ce point de vue. Elle tire son énergie de ses rencontres, sa vitalité de ses amitiés. Trop de rencontres m’épuisent, trop de solitude l’éteint. C’est sans doute pour cela qu’elle est mon soleil et que je suis son ancre. Elle est rarement dans mes textes. Je voudrai bien qu’elle y prenne plus de place, ce n’est pas la place qui manque. Mais elle est pudique, à moins que ce ne soit ma plume… Elle me manque déjà, malgré mon inclinaison pour la solitude ce soir.

Oslo est à plus de quatre-vingt-dix minutes de ce coin du ciel. Je me replonge dans mon bouquin, un roman captivant d’Amine Maalouf, où il est question de solitude justement. Je lis, et j’envie ce personnage bien au chaud au milieu de la tempête, face à l’âtre rougeoyante, dans sa maison, seule habitation d’une île presque déserte. J’envie ce gardien de phare au figuré, et je me surprends à déplorer la lente mais inexorable disparition de ce métier solitaire. J’aurais bien aimé être gardien de phare, pour la beauté des éléments déchainés sur une pointe bretonne, pour la solitude face aux vagues océanes, face à la nuit pluvieuse. Pour seuls compagnons, j’aurai un carnet, un stylo, quelques bouquins, un harmonica ou une guitare, et un rayon de lumière qui guidera les navires à bon port. Le solitaire est peut-être aussi un petit soleil pour ceux qui le regardent passer au loin, et eux, son ancre dans la réalité du monde.

Assez divagué, je me replonge dans mon bouquin. Au retour, ce sera Dostoïevski, ou Michel Onfray, et peut-être une autre diatribe inutilement inutile, puisque je n’écris plus qu’en altitude parait-il.

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Rabih

Trente-Deux Ans

Quelque part dans le ciel d’Odin ou de Thor. Je contemple de mon hublot une lune presque pleine dans un ciel encore presque bleu.

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Il est 21h13 en ce 4 mai et les jours sont bien plus long maintenant que le solstice est dans la ligne de mire, surtout dans les cieux septentrionaux que je sillonne régulièrement depuis quelques temps maintenant. Un léger voile de nuages en contrebas laisse à peine entrevoir le paysage de monts et vallées qui commence à s’illuminer de petites lucioles, à mesure qu’une marée d’encre sombre envahit l’éther bleu-ciel de cette fin de journée. Une journée de plus qui se rajoute au compteur d’une vie. Quarante et un ans déjà. Alexandre aurait déjà soumis le monde. Il n’aura eu besoin que de trente-deux ans. Il en aura fallu encore moins à la vanité des hommes d’un petit pays du Moyen-Orient pour mettre à genoux ce petit coin de paradis qui faisait rêver orientalistes et orientaux au diapason levantin.

Trente-deux ans séparent l’indépendance du Liban d’une guerre fratricide et suicidaire. Trente-deux ans d’un âge d’or auquel succèderont quinze longues années de plomb. Puis, un dernier sursaut d’un peu moins de trente ans, poudre aux yeux, morsure de défibrillateur sur un cœur déjà bien fatigué, et finalement, la platitude d’un électroencéphalogramme déjà bien éprouvé, après deux derniers pics d’activité intense: la pire crise financière des temps modernes et la mise à mort de Beyrouth un soir d’août.

Trente-deux ans. L’âge du Macédonien quand il rendit l’âme après avoir soumis le monde. L’âge du Liban quand débuta sa lente agonie, soumis qu’il fut par la vanité et l’orgueil de ses enfants. L’âge que j’avais quand, bien loin du pays qui m’a vu naître, j’ai tenu mon premier enfant dans mes bras, quand je l’ai bercé pour la première fois au son de mon pays d’origine pour insuffler le Liban dans son cœur.

“Nami ya zghiri, nami
Ta ghattiki bi hrami
Wa hrami min wra’ lwardi
Wil wardi bit hibbik, nami”

Dors petite, dors. La langue du cœur ne se commande pas.

J’ai quarante et un ans cette année et ma rage pour le Liban ne faiblit pas. Les raisons de cette rage? Quelques-unes me viennent à l’esprit: des parents, des grands parents, quelques irréductibles amis, un peuple, tellement hétéroclite de par ses 18 confessions et ses millions de manières de vouloir ce pays, une grande famille tellement éparpillée de par le monde que son seul dénominateur commun reste ce petit pays méditerranéen et une langue aux sonorités de soleil levant, de thym à l’huile d’olive et de café épais. Et peut-être aussi les souvenirs, et l’espoir qu’ils ne finissent pas en regrets. Qu’ils restent teintés d’un rayon de nostalgie mais qu‘ils ne soient pas corrompus par l’amertume de l’inévitable.

Je radote. Je me répète. Mon pays natal revient sans cesse dans mes billets. La raison est simple. Voyez-vous, j’ai quarante et un ans cette année et pour la première fois de ma vie, je prie de ne pas avoir à enterrer mon pays de mon vivant.

Il est 22h04. L’avion se réveille de sa pénombre bleuâtre.

PNC, début descente”.

Le ciel dehors se pare déjà du deuil d’une journée de printemps. Les nuages n’en sont que plus beaux. Puisse le soleil se lever demain pour ce petit pays au bord de l’oubli.

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Et joyeux anniversaire à mon papa, là-bas.

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Rabih

Compagnon de Voyage

In French, because why not?

Photo by Jed Owen on Unsplash

Un grand sac bandoulière en cuir tanné, un peu rétro. Mon compagnon de voyage depuis maintenant quelques mois. Un cadeau choisi à défaut d’être subi, pour faire durer le plaisir au-delà du papier cadeau. Surprise choisie, paradoxe dont je m’accommode fort bien.

Bien moins pratique qu’un bagage cabine classique, il n’en a que plus de charme. Cet anachronisme dans le monde sans fioritures de la fintech donne à son propriétaire bien plus d’allure qu’il n’en mérite. Je me trouve ainsi beaucoup plus écrivain qu’ingénieur à trente-mille pieds d’altitude, par la grâce de ce compagnon un peu loufoque, alors que je couche ces quelques lignes dans mon carnet. Ou alors ingénieur quand même, mais de ceux qui chroniquèrent les rêves scientistes du XIXe siècle à la Jules Verne, les Nemo dans leur Nautilus, les Impey Barbicane dans leur obus d’aluminium. Les Gustave Eiffel dans leur antre, du haut d’une tour éponyme. Ingénieurs d’une époque où tant restait à inventer, où l’ingénierie et l’art se confondaient encore des fois, comme en témoignent encore les ouvrages de cette époque, qui ne se préoccupaient pas tant d’être fonctionnels que d’avoir du charme, de l’allure. D’être beaux. Une époque de sacoches en cuir tanné.

J’aime pourtant penser qu’un ingénieur qui officie dans le domaine quelque peu aride des technologies pour institutions financières d’aujourd’hui reste poète, griot, conteur, s’il arrive à mettre ses tribulations et ses rencontres en contes. Ne lui reste alors qu’à espérer susciter l’intérêt de quelque lecteur, à défaut de le tenir en haleine. Il suffit parfois d’une autre paire d’yeux qui rêve en lisant la prose d’un prétendant pour en faire un poète à son insu. Rien n’est moins sûr pourtant en ce qui concerne ma prose. J’implore donc la bienveillance de mes semblables qui liront ces lignes. Jugez les si vous le devez, mais de grâce, épargnez mon compagnon. Il n’est qu’inspiration. Les fadaises ne sont que de mon fait.

Sur ce, “PNC, préparez-vous pour l’atterrissage”.

Enfin. Ce n’est pas trop tôt.

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Rabih

Merci

J’écoute. La mélodie me porte à travers les années. Tant d’années sont passées depuis. Depuis quand? Depuis. Il y’en a plein, des depuis. Depuis le début d’un monde nouveau? Depuis la fin de l’ancien? De quel ancien? Depuis un retour hypothétique qui s’éloigne à mesure que les lendemains s’enchaînent? Depuis un départ qui n’en sera plus un à mesure que les années seront passées? Depuis la fin de l’innocence des choses? Le début de la réalité? Ou le début de sa fin?

Je pense à tous ces depuis en lisant vos mots. Certains me ramènent de quelques mois en arrière. Des depuis que l’oubli n’a pas encore fanés. Certains me ramènent vers des chapitres un peu plus lointains dans la brume des depuis, souvenirs d’une vie passée, d’une époque que vos mots me font revivre avec la douce amertume de la nostalgie. Les amis, le temps passe tellement vite, et cela me fait parfois l’impression que nos vies s’entrecroisent le temps d’une étincelle pour ensuite continuer leurs courses solitaires vers on ne sait quel astre, quelle étoile dont l’illusion nous berce.

Vos mots font chaud au cœur. Vos mots témoignent qu’à la croisée des chemins, nous aurions été plus que des étincelles les uns pour les autres. Nos rencontres auront compté, elles nous auront façonnés en une version plus en couleur que celle d’avant.

Merci d’avoir pris la peine d’écrire, merci de vous être souvenus. Merci de vous être arrêtés deux minutes quand vous aviez croisé ce garçon un peu gauche au détour d’une classe de maternelle, ou ce jeune homme qui essayait de trouver sa place dans ce monde. Merci d’avoir salué, même de loin, ce monsieur qui n’a pas vu le temps passer, et de ne pas lui avoir rappelé que le temps est irréversible.

Merci pour ce bout de chemin que nous avons parcouru ensemble.

A Zahra, Ranim, Peter, Ilda, Mireille, Rony, Nicolas, Richie, Fadi, André, Danielle, Jacques, Edith, Walid, Eliane, Boudy, Wissam, Joëlle, Marcelle, Marielle, Aline, Gerard, Tony, Fouad, Liliane, Edmond, Georges, Joseph, Georges, Katia, Charbel, Mazen, merci pour ce bout de chemin que nous avons parcouru ensemble. Merci d’avoir pensé à moi aujourd’hui.

Quant à vous deux que je ne nomme pas, je ne vous oublie pas, loin de là. Vous vous reconnaitrez dans les lignes qui suivent.

De l’une, je pense à tous ces kilomètres et toutes ces années qui n’auront pas réussi à nous faire oublier les souvenirs d’enfance communs et à cet adieu de la fin des années 80, qui redevient un au revoir de temps en temps.

De l’autre, je pense à ce prénom tellement prémonitoire, puisqu’il est également l’un des prénoms de ce pays de liberté, d’égalité et de fraternité d’où j’écris ces mots une trentaine d’années plus tard. Et si j’écris, c’est en partie parce que tu m’en auras donné le goût, peut-être en cette matinée du milieu des années 90 où tu nous initiais à la poésie. Il y était question d’un ange me semble-t ’il.

Deux depuis qui auront valu la peine d’être vécus.

Chers amis, la musique me berce toujours. Je vous dis donc adieu et vous laisse avec un piano un peu fatigué, la voix un peu éraillée de Thom Yorke & Flea, et la nostalgie pure qui coule entre ces notes. Et je me presse de publier ce texte avant la fin de ce jour.

Plus que quatre minutes avant minuit …

Rabih

You Think Therefore the Universe Is

Or why life might underpin the existence of a universe

Photo by Greg Rakozy on Unsplash

Dear reader. Dear life. Imagine if the universe was the result of a random event. Imagine if it was empty of life. No consciousness creating it, no consciousness to experience it through senses or thoughts. No God, no humans, to be a bit less cryptic. No one witnessing its creation. No one experiencing it.

Existence would not be an attribute of such a universe. No one would be there to tell. No one would be there to decide and no one to prove them wrong. Or right.

On the other hand, consciousness without a universe is very possible. It could always imagine one. It could dream one. You could dream one.

Consciousness closed its eyes and imagined.

Light. Something bright. Fast travelling. Visible. That will come in handy later.

Energy. And for energy to work, it imagined movement, speed, kinetics, heat. Matter. These did not have meaning until then. They came to be in its mind.

A point of infinite energy, of infinite density. Infinite heat. And a sudden expansion creating matter, made from tiny bits and pieces, themselves made of even tinier bits and pieces.

And then it became even more interesting. From the chaos of the infinitely dense, it imagined order. Order led to life. And with life came senses, consciousness, imagination.

And Life imagined.

It may well be that existence can only be through the mind of consciousness. Descartes if you will, but a little wider than your mere person: Je pense donc l’univers existe.

I think, therefore I am. I am, therefore, the universe exists.

So yes, that life of mine, of yours, miserable and finite comedy as it may be, might still underpin the existence of a universe.

Food for thought.

Let the board sound

Rabih

A Tribute to Norway and Music

I met your music against all odds. I was on a very short business trip to Norway and I was stunned when I heard this song on the TV, by sheer chance, while randomly flicking through channels to keep the lonely silence of the hotel room away.

It was a Monday evening, and Norway will never be the same to me.

Nor will music.

Let the board sound

Rabih

Voyages

Quelque part dans le ciel, entre Paris et Oslo

Photo by Christelle Hayek on Unsplash

Parka noire et sac de voyage. Un grand sac bandoulière en cuir. J’ai laissé tomber les valisettes à roulette, pas assez nostalgiques. La magie d’un autre temps qu’enveloppe ce cuir tanné m’inspire, malgré son manque criant de roulettes qui me casse les reins, mais là demeure tout le charme de ce beau bagage un peu encombrant. Dedans, entre les chemises et le nécessaire de toilette, un carnet de cuir noir aux feuilles vierges de lignes ou de carreaux. Un stylo à encre verte. Le dernier Femina de chez Grasset, après l’avant dernier Goncourt de la semaine dernière et le dernier Goncourt des Lycéens de la semaine d’avant. Je sais, je voyage beaucoup ces derniers temps. Ce Femina donc, ne se lit pas d’une traite. Il ne se livre pas aisément.

Ça me rappelle mon pays natal. Ses chênaies sauvages, mystérieuses si l’on veut, voire mystiques. Les vieilles maisons abandonnées que l’on y retrouve, les vieilles chapelles en pierre de taille sur lesquelles débouchent les chemins oubliés de ces forêts de la montagne. Elles portent l’histoire de familles que l’une des vagues d’émigration que le pays connait depuis le XIXe siècle a transplantées sous d’autres cieux, brésiliens ou américains. Elles portent l’histoire d’un pays, une histoire que les livres d’histoire ont sans doute oubliée, comme celle de cette église de la montagne, doublée d’un petit couvent, érigée par la grâce d’un don du roi de France aux chrétiens de ce coin d’Orient.

Il ne reste de trace écrite de ce morceau d’histoire que la stèle en marbre qui surplombe son portail trois fois centenaire. Et la photo que j’en ai prise lors de mon avant dernier passage. Et les quelques lignes que je couche sur les feuilles vierges de lignes et de carreaux de mon carnet de cuir noir, à l’encre verte de ce stylo que j’ai fini par retrouver au fond du sac, d’une main assez peu assurée, la faute aux turbulences qui nous balancent depuis quelques minutes quelque part au-dessus de l’Allemagne, à moins que ce ne soit la Suède.

D’autres pépites encore plus confidentielles n’ont pas gardé de traces dans le grand livre de l’histoire de ce petit pays au bord de l’oubli, comme ces puits et canaux creusés par des générations disparues, irrigant on ne sait quels vieux villages disparus, chemins autrefois ensoleillés des pas des villageois que les villes et l’émigration auront soustrait à la montagne, chemins aujourd’hui l’apanage de chênes centenaires.

Les rencontres improbables entre l’expatrié que je suis et ces vieilles pierres oubliées au fond d’une chênaie de la montagne me rappellent que ce petit pays au bord de l’oubli recèle encore bien des émotions pour qui veut bien prendre la peine de les chercher, de les trouver. Mes enfants sont évidemment de la partie. Rendez-vous est pris avec la montagne à chaque passage au vieux pays. Leur grands parents et leurs potes, presque tous d’anciens scouts, s’occuperont de l’organisation, sous la houlette de Raymond, randonneur acharné devant l’Eternel et Grand Sachem sans qui ces randonnées hebdomadaires n’auront sans doute pas vu le jour.

Je les vois plein d’entrain courir sur ces vieux chemins de terre. Ils en ont plein les yeux. Une attache de plus avec le pays de leurs parents. J’espère juste qu’elle durera plus longtemps que leur enfance et qu’adultes, ils garderont un souvenir ému, une petite place dans leur cœur pour ce pauvre pays qui ne les aura pas vus naître.

Quant à moi, j’implore le bon Dieu dans la langue du cœur, celle dans laquelle je suis né, je l’implore de m’épargner des turbulences et de me mener à bon port, et je compte les secondes de cette heure et demie qui me sépare encore d’un atterrissage bien mérité à Oslo.

Let the board sound

Rabih

Twilight of an Old Knight

Photo by Piotr Makowski on Unsplash

I am not an outspoken extravert as people in this craft can be. I am not a raging bull claiming victories on the battlefield. I am no legend, I hold no magic. Others are cut from that miracle cloth, I am just warm durable denim. And maybe just worn-out not-so-durable denim. I don’t know anymore.

I have been doing this for a while now. A long while. It has taken its toll on me. Still, when the weight of the years is too much to bare, I try to remind myself. There was a time when I enjoyed doing what I did. It made sense. I could see it leading me somewhere.

You can find my seal in many places around the world. It is imprinted on the dozens of battlefields where I silently lead the troops to victory. It is barely noticeable. Stardust. But it is definitely there. It is by no means a magic seal, its purpose is not to dazzle. It is only supposed to make things work. To do the job. To bring soundness within reach so that “sound” stops being a luxury in these realms and starts to become a standard.

I do not find my craft to give meaning to my life, nor is it a vector of self fulfillment anymore, as maybe a doctor healing people or an explorer pushing the boundaries of the great human adventure would see theirs. Still, I enjoy the memories, and I have so many of them that they must amount to something.

I learnt so much on the road, I met so many people, overcame so many challenges. I can still remember the fun over the years, even across the crisis, the pandemics, and the inevitable passage of time. A dull walk in the parc would not have yielded so many tales.

I am so tired of the battles. I don’t know if I can lead one anymore, if I can fall back on my feet no matter how high the fall, no matter how shaky the ground. If there is still fun ahead. It is all about that in the end. How much fun can this old knight squeeze out of the remaining time to serve. I guess I will never know if I do not try. One last time.

May the force be with you, old Jedi.

Let the board sound

Rabih

Our Lords and Our Masters

Photo by Edmund Lou on Unsplash

You the poor, the weak, the orphan
The simple minded, the infant
The elderly, the immigrant
You, the black sheep and the black swan

Our Lords and our Masters

Let the board sound

Rabih

Small Angel

A small angel with a smile which only a child can make so sweet

Photo by Abbas Tehrani on Unsplash

September 2015. A small angel washes up dead on the Turkish shores. The most sacred of all had just been trampled by the powerful, the greedy and the fool. He was two years old.

He was wearing a red T-shirt, probably the Mystery Space Riders T-shirt he wore in another picture of him cheering in a playground, as only a child can cheer. He was radiant. It might have been his favorite T-shirt. It became his shroud.

“He is in a better place now”.

It depends of course on your belief in an afterlife or the lack thereof. One thing is for sure though.

We are in a worse place now.

There are household names and less known names signing articles on this platform.
Maybe they only write to promote candidates for local elections.
Maybe they only write to promote playlists and movies they played or watched in 2022.
Maybe they only write on how to write to make a couple of bucks.
Maybe they never read anything published out there.
Maybe they just don’t care.

But maybe they do.

So here it is, sealed in a virtual bottle and entrusted to the meanders of an ocean of electrons and bits, my rant for the new year.


Love the children in your life, whether they are yours, or just nephews, neighbors, or complete strangers you happen to walk by on your way to work. It will make you a better person and this world a better place.

Oh, and all my best wishes for this new year.

Let the board sound

Rabih